Pour certaines personnes, le syndrome du côlon irritable (SCI) est un embarras mineur et occasionnel. Pour d’autres, il s’agit d’un trouble digestif débilitant et bouleversant. Il est caractérisé généralement par des ballonnements et de l’inconfort ou de la douleur à l’abdomen, et on lui donne les désignations SCI-D lorsqu’il y a une diarrhée chronique, SCI-C lorsqu’il y a constipation chronique et SCI-M lorsque les symptômes alternent entre la diarrhée et la constipation. On estime que jusqu’à un quart des Canadiens sont touchés par un SCI1, alors que 15 % de la population mondiale en souffrirait selon des estimations plus conservatrices2. Il y a de bonnes chances que, si vous lisez cet article, vous représentiez cette proportion de la population canadienne qui ressent régulièrement des ballonnements ou des douleurs au ventre et qui sait où se trouvent toutes les toilettes fréquentables à l’extérieur de chez soi.
Le SCI a été historiquement diagnostiqué « par élimination », c’est-à-dire que les gens présentant des perturbations digestives, comme des ballonnements, des selles variables ou des indigestions, et dont les tests étaient négatifs pour les diagnostics de nature digestive plus courants, soit la maladie cœliaque, la maladie de Crohn, la diverticulite, la gastrite ou l’ulcère gastroduodénal, étaient alors considérés comme souffrant d’un syndrome du côlon irritable (un syndrome est un groupe de symptômes fréquemment rencontrés ensemble, mais dont la cause fondamentale peut être incertaine). Le SCI, en raison de sa fréquence au sein de la population, est en train de devenir une condition diagnostiquée indépendamment, mais qui présente une variabilité quant à ses déclencheurs et à l’expérience des patients.
Qu’ils souffrent surtout de diarrhée, de constipation ou des deux, bien des gens touchés par un SCI font appel à des produits à base de plante ou à des changements alimentaires pour soulager la douleur et amoindrir les ballonnements qui suivent souvent un repas. Cette approche pour traiter le SCI s’avère particulièrement bénéfique lorsque le syndrome est causé par une prolifération bactérienne dans l’intestin grêle3.
Qu’est-ce qu’une prolifération bactérienne dans l’intestin grêle?
L’intestin grêle devrait être un milieu relativement stérile où sont absorbés les nutriments de notre alimentation. Le gros intestin, par contre, est densément peuplé par une pléthore de microbes. Des taux de bactéries trop élevés dans l’intestin grêle peuvent faire obstacle à l’absorption des nutriments, créer des excès de gaz et des ballonnements ou altérer le fonctionnement de base des muscles et des nerfs du tractus digestif, menant à la constipation ou à la diarrhée. Les plantes antimicrobiennes comme l’origan et la feuille d’olivier, ainsi que les plantes contenant de la berbérine, comme l’hydraste du Canada, le myrique et la racine de mahonia à feuilles de houx, peuvent aider à contrer les proliférations bactériennes dans l’intestin grêle, et ainsi soulager le SCI. Pour des résultats optimaux, travaillez avec un spécialiste formé à la détection et au traitement de la prolifération bactérienne dans l’intestin grêle.
L’étape qui suit ou remplace la prise d’antimicrobiens, pour les patients atteints du SCI, est la possibilité de suivre une diète faible en FODMAP. Cette diète a été élaborée à l’université Monash, en Australie, par des chercheurs qui étudiaient les déclencheurs alimentaires chez les patients atteints du SCI, et c’est en 2012 qu’ils ont dévoilé au monde la diète faible en FODMAP!
Mais que diable veut dire « faible en FODMAP »?
FODMAP, acronyme anglais, signifie Fermentescibles Oligosaccharides, Disaccharides, Monosaccharides et (And) Polyols. En gros, il s’agit de composants alimentaires desquels se nourrissent différents types de bactéries du microbiome intestinal, alors qu’il est probable que la cause fondamentale des symptômes du SCI soit un déséquilibre de la flore intestinale.
Fermentescible
Digestible par les microbes dans un milieu pauvre en oxygène (le cas échéant, les intestins).
Oligosaccharides
Fructanes et galactanes, aussi connus sous les noms de fructo-oligosaccharides (FOS) et galacto-oligosaccharides (GOS). On trouve une haute teneur en fructanes dans le blé, les oignons, l’ail et les artichauts. Les principales sources de GOS sont les fèves et les légumineuses. Il convient d’éviter ces aliments, de même que le fructane nommé « inuline » et les autres « prébiotiques » que l’on retrouve dans les suppléments probiotiques. Bien des gens qui se sentent mieux en suivant une diète sans gluten pourraient ne pas être réellement sensibles à cette protéine, mais plutôt aux fructanes que contiennent le blé et les autres céréales comportant du gluten.
Disaccharides
Lactose. Les fromages durs sont souvent tolérés dans la diète faible en FODMAP, mais pas le lait et le fromage cottage. Essentiellement, il s’agit d’éliminer le lactose de sa diète sans nécessairement bannir tous les produits laitiers, à moins que les protéines laitières vous causent des problèmes.
Monosaccharides
Fructose… à l’excès. Certains fruits sont acceptables (la plupart des petits fruits, les raisins et les agrumes), mais il faut éliminer les fruits à haute teneur en fructose comme les pommes, les cerises, les mangues et les melons d’eau (je sais… je suis désolée, je ne suis que la messagère). Évidemment, il faut entièrement bannir le sirop de maïs à haute teneur en fructose. Il n’est pas nécessaire de couper complètement le fructose de sa diète, mais il faut absolument choisir des aliments qui en contiennent peu.
Polyols
Alcools glucidiques comme le mannitol, le sorbitol le xylitol et l’érythritol. En résumé, tout ce qui se termine en « tol ». Ainsi, il faut éliminer bon nombre de desserts et barres faibles en glucides (ou « paléo ») édulcorés aux polyols, de même que les aliments naturellement riches en polyols comme le chou-fleur, les champignons, les avocats et les pêches.
L’objectif de la diète faible en FODMAP est de couper les vivres aux bactéries qui se multiplient lorsqu’elles ont accès à ces composants alimentaires fermentescibles, afin de réduire leur population au point où elles ne produiront plus de gaz à l’excès, qui nuisent à la fonction intestinale.
Le gros intestin contient une abondance de microbes, car c’est l’endroit où devraient se fermenter les fibres. La diète faible en FODMAP est donc une mesure temporaire pour soulager les symptômes du SCI, où l’objectif à long terme est de réintroduire certains FODMAP acceptables dans le corps, afin de nourrir le microbiome du gros intestin. L’exploration d’une diète faible en FODMAP a permis à certains patients atteints du SCI de découvrir, par exemple, qu’ils n’ont pas de problème avec le lactose, pourvu qu’ils évitent le fructose, ou qu’ils tolèrent les polyols, mais pas les fructanes, et d’autres combinaisons alimentaires précises. Chaque personne est unique, et la diète FODMAP permet aux patients souffrant de SCI de prendre leur alimentation et leur qualité de vie en main, même s’il faut du temps, de la patience, quelques essais et erreurs et possiblement un soutien professionnel pour véritablement corriger le SCI et en faire une histoire du passé.
[1] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3352839/
[2] https://www.monashfodmap.com
[3] https://www.siboinfo.com